le bord du lit
Assise nue
sur le bord du lit
les épaules courbées les seins lourds qui retombent sur son ventre gonflé
la peau moite, poisseuse
(la chaleur de l'été)
elle fait défiler les notifications sur son téléphone
seule, seule, les poils longs sur ses jambes bouffées par les moustiques
l'odeur aigre de la transpiration
vulnérable et
toute-puissante
comme un cri lancé dans le désert
elle est nue pour elle-même, et personne ne la regarde
et personne ne la sait
son corps se plie se contorsionne
le gras de son ventre retombe sur le côté
instant de grâce où le corps n'est qu'un corps
des secondes légères où il peut exister sans être
regardé
jugé
touché
et dans cet infime moment où
les jambes écartées le sexe sur le matelas le téléphone dans les mains les cheveux relevés sur la nuque
elle aurait pu être
entière et vidée de toute substance ni
laide ni
belle ni
douce ni
conne
dans le silence qui enveloppe sa chambre d'adolescence, elle pense
qu'elle pourrait en faire un poème
à la troisième personne du singulier
ausculter son silence et ce morceau d'elle en dehors d'elle
être le regard qui manquait à la scène
parce qu'elle ne sait qu'être regardée
le moment s'est enfui
il ne reste que son corps lourd sur le bord du lit