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La valse aux adieux
11 décembre 2010

Début de texte. Critiques plus que bienvenues.

Que tu es belle Adèle. Ton corps frêle et maigre, tes os saillants et tes poignets minuscules. Dans ton pyjama blanc, tu sembles être un fantôme, une ombre, et le pire je crois c'est de me rappeler que c'est ce que tu es... Un fantôme.
J'ai ta petite main glacée, squelettique, transparente, dans la mienne, frissonante.
Tes ongles sont trop longs, ils sont sales et abîmés, ça ne te ressemble pas, je sens que mes joues sont mouillées je ne voulais pas pleurer mais te voir comme ça, les yeux doucement fermés soulignés par de grosses cernes noires, voir tes joues creusées et tes cheveux ternes, et me dire enfin que plus jamais tu n'ouvriras à nouveau tes beaux yeux verts, ça fait couler sur mes joues quelques larmes que je voulais retenir.
Tes lèvres esquissent un sourire, on dirait même pas que t'as vécu le pire.
Que t'es en train de mourir.

Nos rêves de gamins écrasés par les talons de cette nana que t'étais si fière de recopier.
Rappelle-toi Adèle, une dernière fois, rappelle toi du piano, do ré mi fa sol la si do, sur lequel tu aimais tant jouer. Rappelle-toi des gateaux au chocolat, rappelle-toi d'Arthur, de nos anniversaires en communs. Rappelle-toi de nos rêves de gamins, de l'île, du chateau, de nos balades en forêt. Et puis Elodie, le début de la fin, le début de la faim. Et la taille 34, et les pleurs de toi, de maman, même de papa et certaines fois de moi. Et du vomi, de ce putain de vomi, et de cette salade que tu mangeais, de la salle 206 et de ce putain de 30 septembre 2009...
Écrasés, nos rêves de mioches.  Tu te souviens de notre île, Adèle?
Dans notre île il y avait du sable fin, pleins de coquillages pour faire des colliers.
Dans notre île il y avait des cases en bambous, des pandas, rappelle-toi Adèle, tu insistais beaucoup pour les pandas.
Dans notre île il y avait beaucoup de fleurs, des rouges, des jaunes, des bleus, des violettes.
Dans notre île il y avait des labyrinthes secret, des tigres et des léopards gentils.
Dans notre île, il n'y avait pas d'Elodie, pas de salade, pas de vomi...

Dehors il y a un grand soleil, quelques rayons de lumières passent par le rideau de fer et vont illuminer ton visage. Mais moi, j'ai froid, je suis gelé de l'intérieur... T'es tellement belle Adèle, t'es tellement belle, même en train de crever, putain Adèle, t'es en train de crever, en train de crever putain...
Ma fleur, t'es une fleur Adèle, une putain de fleur desséchée, une putain de fleur à la fin de l'été, en fin de course, en train de crever, en train de crever...
Je me répète ces mots, toi tu as l'air si calme, allongée dans ton lit d'hopîtal, les yeux fermés calmement, comme si tout t'étais étranger, et je t'en veux parce que dans mon intérieur, c'est une vraie tempête, une putain de tempête ...

J'en veux à cette Elodie, cette fille qui n'avait rien à faire dans notre quotidien, notre joli quotidien, j'en veux à cette fille qui s'est barrée lorsqu'elle a su où tu étais, salle 206, j'en veux à cette fille qui ne reviendra pas gratter à la porte, à cette fille qui n'est pas morte, qui n'est pas en train de crever, et certaines fois je voudrais qu'elle soit en train de crever cette ordure, je voudrais la voir fanée, mais je suis sure qu'elle ne serait pas belle comme toi, elle serait de ces filles vulgaires même dans la mort... Elle ne serait même pas digne de mourir, je la condame à survivre, à survivre jusqu'à la fin des temps, cette fille qui t'as envoyée dans ce lit d'hopîtal trop petit..

J'en veux à maman de n'avoir rien voulu voir, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Je m'en veux de n'avoir pas su te retenir le jour où tout a commencé...
Tu te souviens, Adèle? Ce déclic. Ta rentrée en classe de première. Le soir tu rentres à la maison, des étoiles dans les yeux. Tu nous parle de cette fille aux beaux yeux verrons, tu nous parle de cette fille qui s'habille si bien, qui est si belle et si fine, de cette fille qui porte des ponchos et des talons très très haut, de cette fille qui est différente, différente des autres oui, tu as les yeux rêveurs et la bouche qui rigole, moi comme toujours je n'ai rien à dire sur ma rentrée, elle est vide et sans intêret...
Tu as toujours était celle qui vivait et moi celui qui regardait. Je sais tout de toi, Adèle, je connais, ou croyais connaître du moins, chaque recoins de ton visage, de ton âme et de ton corps. Je croyais connaître tout ce qui se passait dans ta tête, parce que je décelais ta tristesse même lorsque tu la cachais derrière un joli sourire, et pourtant jamais, jamais je n'avais vu cette immense souffrance que tu cachais en toi.
Adèle, que te manquait-il dans ta petite vie? Tu étais la plus jolie, la plus drôle et la plus vivante. Tu étais la plus douce et la plus aimée, et pourtant c'est toi qui t'es tuée...
Que s'est-il passé dans ta tête ce jour là? Toujours, tu nous parlais des jambes fines d'Elodie, de ces poignets délicats, de son port de tête gracieux. Personne ne s'inquiètait parce que tu mangeais bien, tu mangeais à ta faim semblait-il.
Te rappelles-tu seulement, Adèle? Veux-tu te rappeler?
Ce temps que tu passais dans la salle de bain, ces heures à te peser, ces heures à t'observer dans le miroir, et tu me disais "Regardes moi, en vrai, je suis grosse non? Regarde-moi ce gras, regarde moi ça! " Et moi je prenais ça pour un caprice de fille, je te regardais avec mes yeux de chiens perdus, mes yeux de chiens errants, je souriais et je murmurais un "non", pour ensuite revenir à mes lectures.

Adèle, comment pourrais-je me pardonner de n'avoir su t'empêcher de te laisser mourir comme ça?
Adèle, jolie fleur, tu finis ta vie quand d'autres la commence. Adèle, on aurait pu avoir notre île, avec les pandas, les léopards et tout ces fruits exotiques...
Adèle tu as été mon seul amour, fleur éphèmère qui meurt déja un peu aussitôt qu'elle naît. Un amour de frère, un amour tendre et ... merde, les larmes à nouveau, Adèle ne me laisse pas s'il te plaît.
Ne me laisse pas avec mes souvenirs, ne me laisse pas tout seul, tu ne peux pas... Je m'en irais mourir aussitôt que tu auras respiré l'air de cette foutue planète pour la dernière fois. Je mourrais, Adèle, j'en crèverai, je ne peux pas porter le poid de nos souvenirs tout seul.

Mais je le sais, ma petite Adèle... Je le sais que tu penses que je suis assez fort pour soutenir nos souvenirs tout seul. Parce que jamais je ne me suis plains, parce que jamais je n'ai pleuré devant toi, parce que jamais, jamais, je n'ai dit "Non." . Alors, tu penses que je m'en sortirais. Voilà ce que tu penses. Mais Adèle, Adèle si j'ai tenu, si je suis toujours resté droit et que je n'ai jamais flanché, c'est grâce à toi Adèle. C'était pour te plaire, tout ça, une jolie mascarade. Pour que tu me regardes en souriant, pour voir tes jolies dents, ton regard approbateur, parce que je n'étais rien d'autre qu'un chien, un chien qui attend son sucre. Mon sucre c'était ton sourire. Et si tu me laisses Adèle, si tu me laisses, je deviens quoi?
Je deviens quoi sans mon sucre?
Lorsque tu étais encore consciente Adèle, même dans les moments les plus durs, et les plus humiliants, Adèle toujours tu m'as souris. Et moi toujours je t'ai tenu la main, même aujourd'hui.

Ta main, Adèle, ta main... Elle est froide et morte déja. Adèle tu passais si souvent ta jolie main dans tes cheveux bruns, tu les passais derrière ton oreille d'un air lasse, d'un air de star qui s'ignore.
Adèle, jolie feuille morte, Adèle, c'est cette main là qui trop souvent s'enfonçait au fond de ta gorge... Oh Adèle, que je déteste tout ce qui peut te faire du mal. Déja lorsque nous avions tout deux huit ans, et que des garçons plus âgés t'embétaient, c'est moi, c'est moi ton frère gringalet et timide, qui leur avait sauté dessus, les avaient mordus jusqu'à ce qu'ils saignent.
C'est cet amour que je te porte qui trop souvent me détruit. Je t'aime plus qu'aucun ne t'as jamais aimé, parce que toute ma vie, j'ai vécu à travers toi. Je n'étais rien, rien d'autre qu'une ombre, un pantin.
Destin brisé. Corps décharné. Salade avalée, rejetée.

Voulais-tu mourir Adèle? Ou croyais tu vivre?  Un jour tu m'as dit que tu ne te sentais vivante que lorsque ton corps tout entier criait, hurlait, gueulait. Qu'enfin, tu avais l'impression de te contrôler. D'être maîtresse de ta vie, de ton destin, de tes envies.
Tu as pourtant toujours été celle qui semblait la plus sûre d'elle. Tu étais consciente de ta beauté, et tu en étais pourtant tellement détachée. Tu ne pouvais t'empêcher de t'observer des heures dans le miroir, et tu savais bien que nombre de garçons ne pouvaient détacher leurs yeux de ton visage. Tu le savais et tu semblais n'y accorder aucune importance.
Tu parlais aux gens avec une facilité étonnante; et moi je restais en retrait et t'observais.
Et puis tu as rencontré Elodie. Elle exercait sur toi une pression fascinante, un attrait aussi, elle était celle que tu aurais voulu être.
Je ne l'ai vu qu'à deux reprises, lorsque je me baladais près de ton lycée, et une autre fois lorsqu'elle était venue chercher quelque chose à la maison.
En parler maintenant me répugne, car parfois je m'imagine ce qu'aurait été la vie sans elle.
Sans cette  fille au corps long et maigre, sans cette vulgaire fille qui marchait courbée tant ces talons étaient hauts, avec ses robes noires et ses collants colorés, avec son crayon noir et son rouge à lèvre.
Adèle jamais tu n'aurais été sur ce lit blanc d'hopitâl, jamais tu n'aurais été ce corps rabougri et fatigué...

On aurait pu partir en Italie, à Rome et à Venise. Tu aurais mis tes jupes trop courtes et tu te serais fait draguer par les Italiens en Vespa. On aurait pu se raconter les choses qui trottent au fond de nos têtes, toutes ces choses que depuis des mois tu ne me racontais plus.
Je n'ai jamais été aussi seul, Adèle, que ces neuf derniers mois.
Ces neufs mois, où à la façon d'un bébé, la haine et la douleur lentement prenait place dans ton corps, ne laissant aucune place à la nourriture. Ces neufs mois où tu ne me parlais plus, où tu gardais tout pour toi, par peur d'être jugée. Les quelques phrases que tu me disais, c'était lorsque je te retrouvais en pleur au dessus des toilettes, et que tu t'accrochais à moi en criant comme un nouveau né.
Alors tu craquais et me confiait quelques phrases qui la nuit me hantait.
Tu disais "C'est affreux... Je ne vis que lorsque je suis vide..." Tu me disais bien souvent combien tu aimais cette sensation de lègéreté, de pureté, et pourtant oh combien celà te faisais souffrir.

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